Valancio

Dieu du Destin, gardien tutélaire du Réel et depuis « le départ » d’Arhune, la Créatrice, souverain parmi les dieux. En crise de foi, il a décidé voilà quelque temps de « se ranger des voitures à défaut des corbillards ». Étant lui-même ce qu’il est, et donc, ne se tenant plus, et ce depuis des lustres immémoriaux, à une foutue contradiction foutrement malicieuse près, il complote depuis contre l’ordre établi, à savoir le Dogme, la tyrannie des dieux et des Non-H. Aussi, s’est-il longtemps senti obligé de lutter en même temps contre sa propre subversion… Un truc proprement épuisant, surtout pour une entité omnipotente écrasée par ailleurs de responsabilité et qui, en dépit de ses innombrables forfaits, chérie tant l’Humanité qu’il n’aspire plus désormais qu’à se dorer la pilule sur la plage d’un des spots de surf les plus badassement fantastique de tout l’Univers. Dans un singulier élan pulsionnel fruit d’une intuition toute relative et d’une réflexion atrocement distordue, il décida ainsi de confier l’intérim de sa charge à son élève et ami quoique foncièrement adverse, l’innommé et innommable Non-H du Réel. Ce dernier, en hommage pour son mentor et surtout du fait d’un manque aussi affligeant qu’essentiel d’originalité, revêtit dès lors le patronyme de Banur, en même temps que la carcasse de Jean-Paul Sartre. Valancio, ou Banur l’Ancien comme se plaisent encore à l’appeler les moins progressistes parmi la clique des initiés, est le père de la triade « sororale » composée de Mirawen, déesse de la Mort, Umoya, déesse de la Connaissance et Sin-Zu gardienne tutélaire de l’Imaginaire.
Extraits & Citations :
«… La glace figurait, sans trop de vergogne, quelque dandy grison, sobrement revêtu d’une étrange redingote à capuche d’un mauve criard jetée par-dessus une curieuse chemise verte échancrée soulignée d’un liseré bleu-blanc-rouge. Une large ceinture à l’obscène boucle d’argent retenait une fort avantageuse culotte moulante, zébrée de gris et de noir que recouvraient d’immenses cuissardes écarlates généreusement crottées. Rassuré par l’élégance de la perfection divine de sa fort spécieuse cinquantaine rayonnante, il haussa les épaules avec perplexité, avant de se perdre dans la contemplation de la batterie de cuivres mal lavés qui encadrait une tête de sanglier grossièrement naturalisée. »
«… Fleur à la bouche et baladeur sur les oreilles, Valancio s’abandonnait entièrement au rythme de la musique. Les intervalles justes et les saints cantiques, entre autres actions de grâce, ne parvenaient plus, et ce depuis belle lurette, à assouvir pleinement l’obsessionnelle mélomanie compulsive de ce fervent adepte de la résonance naturelle. De fait, son vice addictif réclamait désormais : du groove, de la fusion et du désir ardent, flirtant au besoin avec la métallurgie lourde. Aussi, le vieillard chamarré, gambadait-il allègrement par la cambrousse du Gardemont tout en esquissant, de temps à autre, d’audacieux pas de danse, troublant au passage sérieusement la quiétude des bois et des champs par ses beuglements et ses déhanchements enfiévrés. La faune locale, une fois surmonté le choc de la première rencontre, ne pouvait raisonnablement qu’admirer l’exubérance, la joie de vivre et la prodigieuse santé de cet étrange individu. Alors que son corps s’agitait de manière frénétique, l’énergumène laissa ses pensées vagabonder de vagues impulsions en folles trajectoires. Il songea d’abord à sa belle Noémie dont l’apparition, à bien des égards, avait eu l’effet d’une bombe sur l’innocente et paisible cité de Kallindia. L’esprit du barbu concentra dès lors son phénoménal flux d’ondes positives sur Mirawen, la plus fondamentalement mortifère de ses filles, et, accessoirement, des divinités. Il accompagna sa décharge thaumaturgique d’une série de dandinements suggestifs agrémentés de râles prétendument lyriques et de poses singulièrement équivoques, le tout à destination d’un public autant improbable qu’averti, se résumant, pour le coup, à un couple novice de sangliers argentés qui, le primochoc passé, fila sans demander son reste dans la direction opposée à l’individu. Satisfait de sa prestation, il consulta sa montre et tiqua : il était atrocement en retard. Levant les yeux aux cieux, il jeta son dévolu sur un lourd nuage noir qu’il s’amusa à déformer jusqu’à lui faire prendre l’aspect d’une grosse tortue, symbole éminent de son très erratique vagabondage. Son nébuleux forfait perpétré, il haussa les épaules avant d’esquisser un nouveau pas de danse s’achevant par une glissade plus ou moins contrôlée. »
«… Ce faisant, il se concentra légèrement. Il entreprit d’abord de dénuder la réalité de toute substance pour la réduire au final à un dense treillis de trajectoires. Son intense regard illumina alors la trame primordiale de l’Univers. Il le laissa vagabonder par-delà les limites étriquées du Réel jusqu’à ne percevoir que l’intangible essentiel, à savoir : le Destin.»
«… — Ça fait plaisir de te revoir, assura Valancio en enserrant vigoureusement les épaules du sombre et délicat personnage.
— Plaisir que très modérément partagé ! répondit une voix grave qui détonnait rudement avec le physique passablement fluet censé lui être associé.
— C’est déjà ça ! Pas vrai ? Tu me sembles positivement te porter comme un charme ! J’en déduis que ton business crapuleux est toujours aussi florissant !
— Si ça ne vous fait rien, pourriez-vous, je vous prie, en venir directement aux raisons qui me valent cette si subite convocation ? trancha l’encagoulé mal embouché.
— Je monte une nouvelle équipe !
— Ainsi, ça vous reprend ! L’infortune avec laquelle vous affligeâtes jadis, non sans une cruauté consommée, les membres de la première bande, ne vous suffit donc pas ?
Valancio éluda la question d’un sourire aussi béat que rayonnant.
— Comme tu as eu la joie, l’honneur et le privilège de vivre la précédente épopée, je me suis dit que tu serais naturellement partant pour remettre ça.
— Pas vraiment non !
— Dois-je te rappeler l’impérieuse et dogmatique lettre de certaines saintes Écritures ? »
Son interlocuteur se murant dans le silence, la main calleuse de Valancio se fit dramatiquement plus pesante sur l’épaule de son ami.
— Qui ne dit mot consent ! Bien… voilà donc une affaire rondement menée. Tu viens ? »
«... Valancio enserra au creux de ses mains l’hideux visage décomposé d’Hylda. Figée pareille à une statue, cette dernière fut soudain inondée de puissance divine. L’ex-dieu des dieux s’attela dès lors à accélérer la repousse des tissus biologiques, à commencer par sa prodigieuse chevelure de jais avant d’amorcer un processus global de cicatrisation, s’attachant toutefois bien plus aux gros œuvres ainsi qu’aux plus subtiles retouches et invisibles détails de la figure composant sa fille, qu’aux finitions cosmétiques. Son forfait perpétué, il recula de quelques pas pour admirer le produit de son suprême génie créatif. Devant son divin regard vert émeraude se tenait une jeune femme entièrement vêtue, culottée, gantée et bottée d’ombre, le visage dissimulé sous un masque de théâtre, mi-argent, mi-ébène rehaussé de perles, armée de cuir par-dessus un chemisier de soie noire assorti à un fort seyant jodhpur des plus moulants.
« On pourra toujours pinailler et me reprocher injustement d’avoir insuffisamment fignolé deux ou trois détails, mais l’essentiel est bel et bien là !» se félicita, le pseudo-pré-retraité des affaires divines, avec une indulgence coupable qui confinait à la mauvaise foi la plus affligeante. Ceci dit, il libéra Hylda de sa torpeur cérébrale avant de se téléporter en sa compagnie hors les murs de l’humble chaumière. »