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PROLOGUE

Smoke on the water

Durée de lecture estimée : 22 mn [37 mn à haute voix] – Lisibilité : 31/100

Du lancement de la fusée Nassim…

Intelligence, déception et exercices amphibies…

Cris et tremblements…

Enfumage et intoxications…

Virée au clair de lune…

Les deux voyageurs de la Grande Route de l’Est étaient parvenus à l’intersection fatidique.

« Bon ! C’est ici que nos chemins se séparent… Moi, je prends la sente muletière à droite vers Shokyl. Vous, vous continuez bien confortablement sur la chaussée pavée vers Aliman et par-delà vers… la fortune, la luxure et la gloire ! »

Quand il eut fini son numéro de sémaphore choréique, Valancio considéra son nouvel et imminent ex-acolyte. Ce dernier, par atavisme gérontologique et en dépit de sa récente radicale rénovation, avait toujours un mal fou à suivre le rythme, un rien effréné il est vrai, de son fort elliptique mentor. Le dieu hirsute du Destin contempla son œuvre non sans quelque évidente autosatisfaction. L’ex-moribond grabataire jouissait, désormais, d’une stature et d’une musculature d’athlète mues toutes deux par quelque mâle grâce des plus félines. Afin de doter cette enveloppe charnelle foncièrement rajeunie d’une charmante touche d’exotisme, Valancio l’avait, en sus, pourvu de tout un tas d’attributs particulièrement avantageux, dont : des prunelles d’azur céleste, un sourire enjôleur singulièrement ravageur, une force et une endurance remarquables, le tout assorti d’une virilité d’airain et d’un teint d’ébène soyeux proprement affriolants…

« Je me demande si je ne me suis pas un peu laissé emporté par une certaine forme d’exaltation, se demanda-t-il en son for intérieur avant de poursuivre à mi-voix, il ne faudrait pas que ce mâle chef-d’œuvre finisse par ployer sous le poids de trop nombreux… regards admiratifs.

— Plaît-il ? s’enquit ladite sculpturale beauté exotique qui ne parvenait pas à reprendre une haleine qu’en dépit de ses efforts, il n’était jamais arrivé ne serait-ce qu’à distancer.

— Oh ! Pas grand-chose en fait, mon cher Nassim ! Je me disais juste que l’endroit où je vous envoie regorge en chasseresses émérites qui ont pour fâcheuse coutume, entre autres joyeusetés, de braconner à vue, le beau mâle… Veinard, va ! s’extasia-t-il, hilare. Sinon, vous rappelez-vous toujours les objectifs et attendus de votre mission ?

— Parvenir à convertir à vos idées foncièrement progressistes et libertaires un vieux général résolument enferré dans le plus orthodoxe des conservatismes.

— Par… fait ! Alors, mon petit, il n’y a plus qu’à !

— Certes… mais si je peux me permettre : débusquer un chef de bande, traqué par toutes les armées du D.U.C., qui se terre au cœur de la plus grande forêt primaire du Gardemont… franchement… cela risque de ne pas être de la tarte. Non ?

— Pfff ! Pourquoi ? J’ai, moi-même, personnellement, pris la peine de penser à tout ! Une forêt, dites-vous ? N’est-ce pas, par essence, le terrain de prédilection des druides et des habiles rangers ? Vous disposez de tout le savoir et de toute l’expérience utiles pour suivre à la trace l’armée de la Léonie. Et, là où se trouve une armée, généralement se trouve à sa tête, ou pas loin tout du moins, son général ! répondit doctement Valancio tout en joignant ses deux index. Il ne vous reste plus, dès lors, qu’à rejoindre votre charmante et bucolique zone de recherche et à vous coller promptement à son exploration. C’est à quelques lieues d’ici… Quelques petites centaines tout au plus… à un modeste jet de pierre au-delà de ces collines… qui s’esquissent là-bas dans le lointain… nébuleux…

— Avec vos pouvoirs, ce ne serait pas possible de me rapprocher un peu de l’objectif ?

— Si ! Tout à fait !

— Et ?

— J’ai de tout temps considéré que les voyages forment la jeunesse. Aussi, n’espérez pas que je vous aide à enjamber les difficultés qui ne manqueront sans doute pas de se dresser en travers de votre trajectoire. Il vous reste encore à découvrir, combien le courage, l’opiniâtreté… et le don désintéressé de votre splendide personne sont des qualités nécessaires, quoique non suffisantes à… notre succès ! »

Valancio gambadait joyeusement, le cœur léger, le long de la voie pavée qui longeait, paisiblement sous le couvert d’épaisses et persistantes frondaisons, la rive baignée par les eaux émeraude du lac de Lossoire. Rien ne semblait avoir de prise sur son indécente bonne humeur, que ce fussent les acerbes morsures de la bise, les très suffocants relents caustiques ou même la fine bruine glaciale et pénétrante qui affligeait tant le pèlerin obtus et le vénérable rhumatisant. Au détour d’une fort sulfureuse trouée, son regard fluorescent glissa ingénument sur les courbes et les dentelures, aussi drûment chevelues qu’éminemment volcaniques, qui servaient de toile de fond aux sept magnifiques îlots formant l’archipel des « larmes de l’Amiral ». Apercevant à une grosse encablure de là, quelques bataillons détrempés de guerriers en goguette sur un champ de manœuvres sommairement dressé au creux d’une des rares criques herbeuses bordant le lac, le dieu hirsute du Destin s’accorda une juste pause.

« Ah, les braves gens ! » s’exclama l’auguste personnage devant le ballet cadencé des barges glissant dans un silence menaçant sur l’onde verdâtre. Son visage, bien que copieusement mangé par une pilosité laissée depuis des lustres en jachère, rayonnait d’un bonheur sans nuage, quoiqu’un poil humide, alors que les farouches troupiers parvenus sur les berges du lac de Lossoire se lançaient hardiment dans l’eau frigide à l’assaut de la plus abstraite des défenses.

« Jolie manœuvre… qui, toutefois, manque terriblement de discrétion… »

Aussitôt, devançant l’impérieuse volonté du divin barbu, un puissant trémor en provenance des profondeurs telluriques vint sourdement lui chatouiller les orteils.

« Holà ! Pas si vite ! Je n’ai pas encore donné le signal, mon ami ! » s’exclama, l’hirsute chamarré. Les nettes vibrations sismiques s’atténuèrent sur le champ, alors que des tréfonds ténébreux du lac, l’Axyrol laissait échapper quelque méphitique rototo qui, parvenu en surface, éructa grossièrement en même temps qu’émergeaient les restes à demi-pochés de tout un banc de perches pérégrines. La vive, fort fraiche et crachoteuse atmosphère qui baignait la formidable caldéra lacustre condensa illico ces acres émanations éruptives en un banc de brume passablement acide qu’une bise opportune disloqua sans tarder.

« Bien ! Il s’agit de procéder dans l’ordre ! »

Satisfait, Valancio enfila ses écouteurs avant de plonger sa divine paluche dans l’une des insondables poches de sa redingote mauve à la recherche tâtonnante d’un fort improbable et anachronique bouton « Play ». Une fois l’objet de sa quête localisé, il en actionna le mécanisme avec vigueur et détermination. Un flot tumultueux de musique, assez fallacieusement en harmonie avec le paysage qui s’étalait sous ses perses prunelles, se déversa dans l’espace incommensurable qui séparait ses deux célestes esgourdes. L’auguste personnage fut illico propulsé dans une sorte de thermosphère proprement saturée d’allégresse psychédélique, bercé par les accords quasi dissonants d’un orgue Hammond, eux-mêmes sauvagement irradiés par la voix sublime d’un sauveur étoilé. Les yeux révulsés, le corps secoué d’irrépressibles convulsions harmoniques, Valancio quitta le sentier principal pour s’enfoncer dans la sylve résineuse qui s’accrochait toutes racines dehors aux éboulis et aux débris volcaniques. Rebondissant de robustes troncs en taillis, de caillasses en crevasses, le grand tout-fou dévala « cahoteusement » la rive escarpée en direction de la crique où batifolaient les troupes d’assaut, plus ou moins amphibies, du duché de Brenne. Après avoir encore manqué de s’escagasser le gros orteil contre un vénérable bloc de basalte scélérat, il trébucha une nouvelle fois contre une racine méchamment aérienne avant de déboucher en trombe sur l’une des ultimes plateformes surplombant, d’une maigre poignée de verges, l’anse martiale. Ce faisant, il tomba carrément nez à cul sur un quidam encuiré, encagoulé et encapuchonné de ténèbres, fort fourbement armé et bien trop discrètement allongé de tout son long face au lac pour être tout à fait honnête. D’autant que le louche individu semblait bien décidé à ne rien rater du vert débriefing tactique asséné, avec force, vigueur et grande débauche de métaphores fleuries, par un sergent d’arme du Brenne. Après avoir fugacement considéré l’imposant sous-officier occupé à admonester sans ménagement une troupe passablement fourbue, humide et meurtrie, Valancio scruta l’espion qui, tout à sa sombre besogne, n’avait prêté nulle attention à sa si singulière manœuvre de revers, du fait, assurément, des aboiements hiérarchiques du major marsouin.

« NOBODY GONNA TAKE MY CAR… » beugla dès lors Valancio, plus galvanisé toutefois par la tumultueuse mélodie qui pour ainsi dire saturait tout son être, que par l’égotique nécessité de tirer la couverture à lui.

Si son hurlement de bête se solda instamment par la fuite, tant éperdue que foncièrement prévisible, de tout un vol d’édredons poltrons de Kron qui cancanait et nasillait paisiblement à moins d’un jet d’arbalète de là, il ne manqua guère tant de couper le sifflet au premier-maitre vachard que de faire proprement sursauter l’épieur indiscret. Ce dernier profita de l’impulsion inopinée pour, d’un seul mouvement : se redresser, dégainer une lame obscure luisante de poison, se retourner et bondir sur ses pieds, faisant ainsi preuve au passage d’une vivacité, d’une coordination et d’un aplomb en tout point prodigieux. Le temps de prendre une pose propre à intimider souverainement sa future victime, l’assassin sombre se fendit, histoire d’apprendre un semblant de savoir-vivre à l’intrus. Faisant mine de récupérer son casque, le loustic se baissa aussitôt, esquivant de peu, et par la même occasion, la lame mortelle.

« Holà ! Tout doux, mon seigneur ! » tempérera l’hirsute en cuissardes rouges en rajustant l’engin bruyant sur ses augustes oreilles. Le groove lourd reprit illico le contrôle de son corps. Aussi, le malotru se remit-il à fredonner tout en se tortillant de manière tout à fait grotesque, faisant suprêmement fi au passage tant de la menace imminente que de son agresseur.

Tant surpris et désappointé par son infortunée maladresse qu’en proie à un intense sentiment d’urgence, ce dernier redoubla d’efforts afin de faire taire définitivement le gougnafier bigarré ; en vain, toutefois. Bien que faisant feu avec acharnement de toutes les bottes les plus vicieuses de son attirail funeste, sa victime, secouée par de violentes convulsions, parvenait à se dérober systématiquement, ponctuant ses passes virtuoses de lestes déhanchements entre autres absurdes et lubriques contorsions. Excédé, l’assassin finit par prendre à partie les cieux injustes, leur faisant part, avec perte et fracas, de son plus vif dépit.

« Plaît-il ? » s’enquit l’odieux Barbu, en soulevant benoitement l’un de ses écouteurs.

Le son écœurant d’un monstrueux fléau d’arme rencontrant sans crier gare un crâne sans défense tout en éclaboussant les alentours de morceaux d’os et de cervelle sanguinolents interrompit abruptement les furieuses imprécations du jureur impie.

« Pas un geste, le vieux ! » ordonna l’épaisse brute galonnée du Brenne derrière une formidable moustache trônant au-dessus d’une barbasse rousse soigneusement taillée en queue de canard. Aussitôt, Valancio se figea les mains bien en évidence, tout en dévisageant l’imposant grognard à l’arme rudement contondante. Aussi, usa-t-il trivialement de télékinésie pour suspendre le flot musical effervescent qui lui vrillait jusqu’à l’âme. Pendant que ses adjoints tenaient en respect l’irrespectueux dieu du Destin, le sous-officier, à plus d’un titre chevronné, enfila prudemment une épaisse paire de gants. Cette protection vitale prise, l’impressionnant rouquin s’agenouilla et entreprit de fouiller précautionneusement le cadavre sans tête. Sa fort épineuse besogne achevée, le « serpat majuscule » se redressa en détaillant d’un œil passablement sourcilleux le curieux accoutrement chamarré du divin gueulard.

« Ça m’a tout l’air d’être un des agents de la Vipère… toi, toi, toi et toi, vous me passez discrètement les environs au peigne fin, ordonna le sergent major, les espions à la solde du D.U.C. opèrent le plus souvent par paire.

— Et lui ?

— Quoi lui ? Parce qu’en plus d’être bouchés, vous êtes complètement bigleux ? Fouillez-moi ça, et au trot ! »

Illico, une paire de troupiers se saisirent de Valancio alors qu’un troisième s’empressait de le fouiller.

« Peau de balle ! Le loustic n’est pas armé, chef !

— Quel est votre nom, l’ancien ?

— Valancio, pour vous servir ! À qui ai-je l’honneur ?

— Miroslav Silfir. Sergent major de la garde, au service de sa seigneurie, le Duc de Brenne. C’est quoi, ça ? Un cache-oreilles ?

— Une sorte de cornet auditif ! J’ai les oreilles qui sifflent affreusement ! Sans lui, j’entends des voix… comme des prières ou des suppliques… Ça n’arrête pas ! Ça me colle des crises d’angoisse terribles. Ce bidule m’aide à ne pas virer zinzin. J’espère que vous ne comptez pas m’en priver.

— On verra… Vous foutez quoi dans le coin ?

— Je me rends à Shokyl ! Mais avec cette foutue forêt, je me suis égaré. Rejoindre la rive du Lac me paraissait le moyen le plus rapide de me repérer.

— Et qu’est-ce qui vous amène à Shokyl ?

— Je dois m’y entretenir avec une future recrue !

— Une recrue ?

— Oui, le genre perle rare. Je monte une tragi-comédie et j’entends engager de nouveaux talents.

— Vous prétendez donc être une sorte de bouffon-troubadour, affirma le major roux, après avoir détaillé la tenue de baltringue de Valancio.

— C’est, ma foi, un peu réducteur ! Je suis aussi un peu illusionniste et il m’arrive même de prédire l’avenir !

— Ça m’arrive aussi ! Tenez, pour ce qui vous concerne, j’ai comme l’impression que vous êtes sacrément mal embarqué. Priez pour que notre connétable gobe sans moufeter vos carabistouilles !

— Prier ? Ah non ! Très peu pour moi ! se défendit l’auguste décontracté du gland tout en continuant à dévisager sans ciller l’imposant grognard du Brenne.

— Qu’est-qu’il ya ?… Qu’avez-vous à me fixer de la sorte ?

— Il se trouve que je tombe rarement sur un individu nanti d’une telle trajectoire. C’est fascinant : vous possédez autant de valeurs que de talents !… Ça ne vous direz pas de rejoindre ma compagnie ?

— Ne vous fatiguez pas l’ami ! Je n’ai pas l’intention d’embrasser à mon âge la carrière de héraut, déclara le vétéran goguenard, en tournant les talons. En route ! »

Aussitôt, ses hommes poussèrent leur prisonnier sur les talons de leur chef, en direction de la berge herbeuse, de leur canot d’assaut, et, par-delà, du connétable.

« Aucune ambition à devenir un héros ? murmura le dieu du Destin en rupture de ban, ça, mon petit gars, je me permets de sérieusement en douter. »

Le canot d’assaut, propulsé par deux vigoureux bancs de nage, s’apprêtait à aborder la grande plage jouxtant les arsenaux lacustres du duché de Brenne. La grève nivelée s’ouvrait ici sur un canal qui reliait le lac de Lossoire à, d’une part, une tétrade de forme-écluses, et, d’autre part, un immense bassin artificiel, lui-même encadré par deux grands moulins. Un bon millier d’ouvriers et de charpentiers, pour autant de soldats, s’activaient autour de trois robustes gabarits de bois de près de vingt-cinq pieds de long, composant les membrures de trois vaisseaux en devenir, reposant sur une série de cales résistantes. Lorsque la proue de la chaloupe vint frotter le fond graveleux de la plage, Miroslav sauta souplement au sol. Aussitôt, les deux solides marsouins qui encadraient Valancio le soulevèrent prestement pour le débarquer sans plus d’égards que d’efforts apparents.

« Tout ceci n’est vraiment pas très prudent, songea Valancio, SMOKE ON THE WATER…, se mit-il soudain à hurler à tue-tête avant d’exécuter, les mains attachées dans le dos et au grand dam de ses gardiens, une pirouette virevoltante enchainée d’un bond et d’un impressionnant grand écart latéral à la mode “ jazz split ”, le tout ponctué d’un redressement prodigieusement instantané assorti d’un tonitruant :

— … FIRE IN THE SKY !

— Mais elle va fermer son CLAQUEMERDE, LA GROSSE COURGE ! »

Une longue et violente secousse tellurique manqua de jeter à terre le sergent major roux. Les carcasses de bois des vaisseaux en construction se mirent brusquement à gémir, alors que d’énormes poutres, inopinément mises en mouvement par le séisme, se balançaient dangereusement au bout de leur chèvre de levage. Pendant que le trémor se stabilisait sur un inquiétant rythme de croisière, un immense maelström s’ouvrit au sein des flots lacustres à quelques encablures de la rive. Tandis que les eaux et les humains paniqués désertaient précipitamment les berges et leurs abords, le centre du tourbillon laissa échapper une grosse expiration des plus fétides. La terre se mit à gronder terriblement en duo avec le mugissement assourdissant des vagues, le tout sous les hurlements terrifiés de l’ensemble des parties prenantes biologiques alentour.

« L’AXYROL ! crièrent en chœur les vétérans.

— Tout juste ! », ricana le dieu hirsute et taquin.

Pour le coup, et sous les regards médusés de l’assistance, ledit geyser gratifia la création, en général, les riverains, en particulier, et, accessoirement, son divin copain pourpre, de l’un de ses plus puissants et fameux rototos. Dans un vacarme proprement assourdissant de soufflerie de forge amfhalienne, le vénérable système hydrothermal propulsa, à plusieurs centaines de verges dans l’air glacé de la caldéra du Lossoire, une colossale colonne d’eau et de vapeur surchauffées sévèrement chargée en tout un tas d’éléments, pour certains terriblement toxiques. Illico, la gerbe brulante se condensa en une mer de brume pestilentielle, un brin vénéneuse, aussi particulièrement opaque que foncièrement corrosive. La bise complice s’ingénia, dès lors, à pousser le dense brouillard sulfureux en direction du chantier. Un à un disparurent béliers, armes, barges, écluses, formes, engins, outils, gabarits, arbres, Hommes et dieu, avalés tous, promptement, par un épais voile caustique, dérobant par là même aux regards indiscrets, toute une foule de préparatifs de nature à jeter le trouble quant à la loyauté du Duc de Brenne.

Le connétable du Brenne, Moran Zuiker, passait amoureusement sa palme calleuse sur la tête cuirassée du futur « Splendeur d’Orient » ; monstrueux bélier voué à fracturer tout un tas d’obstacles plus ou moins fortifiés, à l’instar des forts et des défenses de Rocaméda. Le hurlement du dieu hirsute du Destin l’extirpa brutalement de sa rêverie guerrière tout en le faisant méchamment sursauter. En se retournant vers la source du barouf, il croisa le regard dépité de son sergent-major.

L’impact du premier train de secousses telluriques l’arracha violemment à sa relative torpeur, le forçant même à exécuter un pas de côté. Ce faisant, l’énorme poutre qui venait de rompre avec l’engin de levage auquel elle était jusqu’alors assujettie manqua de peu le crâne dégarni de l’officier ébranlé. Pris subitement de remords, Valancio se ravisa. Aussi, l’immense barrot, rebondit-il vicieusement pour venir s’immobiliser, du coup, sur le moyennement fortuné connétable, après l’avoir envoyé au tapis pour le compte, et non sans lui avoir préalablement broyé une jambe.

« Voilà qui est raisonnablement plus équitable… » commenta l’éminent manipulateur, alors que Miroslav Silfir se portait au secours de son supérieur coincé inconscient sous une panne particulièrement malveillante. 

Tandis que le major roux achevait de rameuter à la rescousse de l’officier blessé les volontés passablement sidérées, la brume opaque aux corrosifs relents sulfuriques engloutit tout.

De nombreuses quintes de toux, quelque peu convulsives, vinrent aussitôt se mêler aux cris d’alarme, de douleur et d’effroi des humains prisonniers de la gangue toxique. Valancio profita de l’occasion pour fausser compagnie à ses gardiens quasi cyanosés. Les nœuds censés entraver l’iconoclaste barbu étaient bien trop normaux pour espérer résister à l’omnipotence divine de l’individu. Pour autant, loin de fuir la zone, l’auguste branleur prit au jugé, quoique d’un pas décidé, la direction de la roulante. Sans hésiter, il se dirigea vers la dépression invisible au creux de laquelle étaient concentrés tant les tentes du mess que l’ensemble des composés les plus lourdement nocifs dégazés tantôt par l’Axyrol. Contournant la cantine désertée, il tomba sur le corps sans vie du second espion de la Vipère. Par acquit de conscience, il gratifia d’un vicieux pointu de sa botte gauche, l’une des parties hypothétiquement les plus sensibles de la dépouille de l’asphyxié.

« Et de deux ! Voilà une bonne chose de faîte !… Le brouillard de la guerre ayant subtilement accompli ses œuvres, il ne me reste plus qu’à reprendre le cours naturel de ma quête… tout comme mon chemin en direction de la fière Shokyl. »

Après plus d’une heure d’errance harassante le long des berges densément boisées du lac de Lossoire, Valancio émergeait, enfin, tant de l’épaisse forêt, qui tapissait les coteaux de la caldéra, que de l’opaque brouillard sulfurique issu de l’Axyrol. La sylve sauvage laissait place ici à de magnifiques futaies délimitant des parcelles jardinées impeccablement alignées au centre desquelles trônaient de charmantes cabanes colorées. L’outro de « Space truckin’ » achevée, Valancio rangea soigneusement son baladeur et ses écouteurs quelque part au fin fond de l’une des poches improbables qui garnissaient son manteau. Ce faisant, il profita des ultimes feux du couchant pour détailler le sombre neck basaltique, hérissé d’habitations fortifiées et d’ouvrages de défense, agrémentés de nombreux mégalocyprès perdurables : vénérables conifères totalement infrangibles, singulièrement coriaces, suprêmement incombustibles et foncièrement indéracinables, arbres-mères du peuplement sylvestre de l’ensemble de la caldéra.

« Il se dégage un je ne sais quoi, l’ex-Dieu du destin huma l’air crépusculaire qui, en dépit du caractère glacialement assainisseur de la bise septentrionale, fleurait toujours aussi “ bon ” le soufre subtilement ammoniaqué… d’assez vicieusement particulier ! Comme un entêtant et pernicieux, quoique fort charmant, parfum de stupre ! Le genre “ succube foutrale tout juste saillie ruisselante de l’Amfhal ”. J’ai hâte de croiser cette douce et volage créature… Évitons toutefois de trop nous disperser ! Certains sursis ne souffrent d’aucun report. Pour autant, ma belle, tu ne perds assurément rien pour attendre ! »

Le dieu galant se remit joyeusement en branle le long d’une des immenses artères qui protégeaient si judicieusement des flammes une cité qui, bien qu’auguste, avait été essentiellement bâtie sur le bois, pour le bois et par le bois. Parvenu aux pieds des imposantes murailles préservant jalousement les vertus de la motte castrale de la convoitise, un rien envieuse, de ses voisins et derrière lesquelles battait le cœur de l’antique capitale du Brenne, il bifurqua radicalement pour longer tranquillement les sombres remparts. Soudain, une gaillarde barbacane se dressa devant ses rutilantes cuissardes qui, avec le concours terriblement intimidant de deux lourdes herses barbelées, d’un pont-levis cuirassé et de trois robustes portes en conifère pétrifié, le tout redoutablement renforcé par les poitrines bardées de fer de deux sentinelles à demi-assoupies, lui interdisait étroitement l’accès au castel.

« Corps de pieds de moi-même ! L’huis est clos, et le guet sur les dents ! se dit-il, dois-je pour autant opter pour une approche aussi basique qu’expéditive et laisser ainsi cette belle cité orpheline tant d’une remarquable pièce d’architecture martiale que de deux de ses plus chers et farouches enfants ? »

N’étant pas du genre à prendre à la légère le respect du patrimoine, la santé des huissiers, voire la quiétude des bourgeois du quartier des « trois échelles », il décida de recourir à une option un poil plus subtile. 

« Laissez-passer ! » ordonna-t-il, de la plus impérieuse et tonitruante des intonations.

Le guet s’éveilla en sursaut, se portant illico au devant de l’importun. Sans un mot, ce dernier exhiba dans la lueur de la lanterne assermentée et sous le nez des deux vigiles, un parchemin copieusement enluminé, présentant tout un tas comminatoire de sceaux, de rubans et de signatures, aussi officiels que parfaitement contrefaits. Les deux hommes détaillèrent Valancio. Excessivement perturbés par l’étrange accoutrement de l’éminent détenteur de laissez-passer, ils s’entre-regardèrent perplexes, avant de libérer le passage et d’opter, de conserve et à tout hasard, pour un garde-à-vous d’école propre à combler toute grosse légume supérieurement imbue de son autorité. Aussitôt, les préposés aux machines, depuis leurs réduits dissimulés, actionnèrent portes, herses et pont-levis. Adoptant illico l’attitude dite de « l’émissaire secret faussement crétin… quoique », Valancio s’engagea sous la barbacane tout en passant en revue les deux vétérans, sans négliger au passage de leur signifier, fort théâtralement, sa connivence et sa satisfaction. Les poternes du castel derrière lui, il s’enfonça dans le quartier historique de Shokyl, en direction du donjon qui trônait au sommet de la motte ducale. Ce faisant, il se concentra légèrement. Il entreprit d’abord de dénuder la réalité de toute substance pour la réduire au final à un dense treillis de trajectoires. Son intense regard illumina alors la trame primordiale de l’Univers. Il le laissa vagabonder par-delà les limites étriquées du Réel jusqu’à ne percevoir que l’intangible essentiel, à savoir : le Destin.

« Très cher duc, l’homme agissant seul se condamne. Il se croit semblable à quelque fier titan des Nodins qui, habile à manier les charges les plus colossales, s’imagine capable d’ébranler l’Univers par sa seule volonté. Mais pour espérer, ne serait-ce qu’en infléchir l’inexorable cours, encore faut-il pouvoir le secouer sur plusieurs parsecs et, pour cela, être en mesure de fonder de nouvelles alliances. Car seule compte ici la détermination partagée par une multitude coalisée et non la prétention seule ou l’empire chimérique d’un supposé sauveur providentiel. Ton ambition est, certes belle et louable, mais tu ne triompheras pas seul de l’Hydre. Écoute, je t’en conjure, les conseils de l’ami qui chevauche à ta rencontre ! Prends garde à ne pas trop faire montre de ta sublime impétuosité ! Patiente et, bientôt, s’ouvrirons à toi les sommets, d’où, par-delà les nues, tu percevras le Monde, non pas tel qu’il fut, est et sera ou tel que tu le souhaites, mais tel qu’il doit être rêvé. »

Alors qu’il renouait avec la complexité de l’obscène réalité, Valancio se pinça le nez en se fendant d’une horrible moue de dégout. Bien que foncièrement progressistes et assez généreusement dotés d’une âme d’aventurier parmi les plus délicates, les habitants du vénérable cœur de ville n’avaient pour autant guère jugé pertinent, ou utile, et encore moins nécessaire, d’adopter certaines innovations communautaires réputées des plus urbaines, comme au choix : la cuisine à l’huile, les sanitaires, ou, le tout à l’égout. À leur décharge, si elle assainissait méchamment l’air ambiant en les prémunissant radicalement contre toute forme de germe et d’épidémie, l’atmosphère acide, hautement sulfurique et un rien fétide de la caldéra avait comme léger effet secondaire, sur l’ensemble de ses résidants, de ruiner totalement tant leur système olfactif que gustatif, aux grands dams, accessoirement, de toute autre considération touristique ou gastronomique. Aussi Valancio, préféra-t-il mettre d’urgence à la cape et en rideau son odorat si raffiné. Tout en s’enfonçant dans les ruelles étroites du cœur historique de Shokyl, sans omettre toutefois de zigzaguer prudemment entre les diverses déjections qui en jonchaient les pavés luisants, le dieu hirsute entama un rapide inventaire des consciences alentour. Pour autant, l’examen de l’écume des pensées des riverains ne lui prit guère plus qu’une simple fraction de seconde. En dépit de l’abrutissement général, ainsi que de l’épaisse couche de veulerie et de lâcheté ambiante, symptômes, certes affligeants, de tant de vies cadenassées par le poids des habitudes et le joug de l’arbitraire ou de tant d’ambitions et de rêves jugulés par les ignobles dénonciations, les monceaux de lettres de cachet, les avalanches de sceaux, d’humiliations et de supplices, entre autres entraves en tout genre… bref, au mépris de l’innommable misère humaine environnante, Valancio souriait d’un air éminemment satisfait. 

« Tiens bon, petite ! Laisse-moi juste le temps de m’entretenir avec une vieille connaissance et promis, j’arrive ! » marmonna-t-il à l’intention de la flammèche chancelante qu’il venait tout juste de déceler parmi les montagnes de fange et les déferlantes d’immondices qui menaçaient à tout instant de la submerger.

Valancio allongea sacrément la foulée tout en hâtant furieusement le pas… Au détour d’une petite placette, il tomba pour ainsi dire nez à groins avec un couple de cochons blottis tout tremblants, l’un contre l’autre. Sans plus d’ambages, il stoppa brutalement, arrachant au passage et au stérile pavage, quelque généreuse gerbe d’étincelles. Aussitôt, il s’inclina bien bas devant ces augustes représentants de l’honorable race porcine. De toute évidence les deux sensibles suidés sentaient rôder au-dessus de leur couenne, l’ombre bienveillante de la section porcine de Mirawen, pour le plus grand préjudice de leur sérénité et, par voie de conséquence, de la qualité du boudin. De fait, et à très courte échéance, les deux compères semblaient promis à finir en saucisses, pâtés et jambons, entre autres savoureuses charcutailles, et ce, qui plus est, au seul réel bénéfice de l’accroissement substantiel de l’insolente fortune d’un affameur notoire. Un coup susceptible de porter sérieusement atteinte à la bonne humeur proverbiale, ainsi qu’à la bonne conscience somme toute éminemment relative, du vénérable dieu du Destin en goguette. Aussi, ouvrit-il sans hésiter l’enclos, avant de contempler réjoui, la fuite éperdue de la petite troupe rose vers une liberté des plus incertaines. Ceci fait, il consulta à nouveau son chronomètre constatant, non sans surprise, qu’il était au final bien moins à la bourre qu’il le craignait confusément. Jugeant, un rien de mauvaise foi, qu’il disposait de tout le temps nécessaire pour assouvir sa soif de nostalgie, il se dirigea vers une bâtisse qui, nichant au fond d’une impasse, servait d’écrin à ce que certains rares initiés considéraient toujours comme la merveille des merveilles.

Ayant rejoint après quelques menues divagations annexes, l’objet d’une quête somme toute éminemment secondaire, il posa son regard sur l’illustre poutre maitresse appartenant au sein d’un entrelacs de bois lasuré, à l’ossature apparente d’un énorme édifice. Cette imputrescible panne sablière soutenait l’encorbellement de la demeure. Elle portait sur toute sa longueur une polychromie sur sculpture devenue fameuse sous l’appellation équivoque de « panne de la gloire ». Le reste du bâtiment, avec son grand pignon avancé, avait jadis servi de poste de commandement à feue la générale Hilda.

« L’âne, motivé par le bras brandissant la carotte, peut vite se retrouver en terrain miné, marmonna l’odieux barbu, toutefois, je me demande s’il est vraiment pertinent… sinon toujours bien prudent, de comparer ma très chère fille à une… bourrique » se ravisa-t-il, tout en rentrant instinctivement la tête entre les épaules. 

N’ayant eu à esquiver aucune baffe magistrale, il se détendit quelque peu, avant de détailler le célèbre bout de bois. Au centre de l’œuvre, se devinait, encore, la silhouette d’un chef de guerre, dont quelque vandale semblait s’être acharné postérieurement à travestir grossièrement les traits au point d’effacer tout le charme piquant de celle qui, en son temps, passait tout autant pour une pure splendeur de féminité sensuellement exacerbée que pour une fort pénible et acerbe guerrière puissamment cuirassée. Valancio contempla longuement cette redoutable beauté jaillissant de la brume pour prendre furieusement, par surprise et par-derrière, une masse informe d’immondes créatures tout droit tirées de l’Amfhal. L’Histoire, un poil contrefaite depuis par des survivants jaloux, attribuait, désormais, la gloire de ce remarquable fait d’armes à la renommée, légèrement surfaite, des maitres du Brenne. Un rapide coup d’œil à l’extrémité gauche de la poutre, juste en amont des quatre somptueuses trompettes ailées qui annonçaient l’ultime bataille, laissait entrevoir la mise en bière de la générale victorieuse, bien que tombée au champ d’honneur. L’artiste, dans un souci pour le moins cruel du détail confinant ici à la satire, avait pris soin de mettre bien en évidence la lame obscure toujours plantée dans le cou du cadavre de la belle générale. Si ce signe scélérat, symbole de traîtrise et d’assassinat, avait été, là aussi, grossièrement détourné au profit de la légende dorée de la maison régnante du Brenne, il jetait assurément une ombre funeste sur celle, plus ténébreuse encore, de l’héroïne et de la cause qu’elle prétendait alors servir.

« L’homme a tort de s’enivrer de contes de fées. »

Valancio haussa les épaules avant de remonter prestement l’impasse déserte bordée d’habitations qui, du fait de leur penchant naturel, semblaient humblement lui rendre hommage. Toujours sous le même crachin, acide et glacial, il déserta l’îlot historique pour s’engager sur le pont de Nerval. De sous ses trois arches titanesques, grondaient les flots bouillonnants de l’intimidante Sidonie : tumultueuse cataracte dont les accents graves et mélodieux berçaient constamment le lourd sommeil des riverains. L’impressionnant ouvrage d’art franchi, il s’enfonça en sifflotant dans le ventre du quartier du barbu, réduit étrange, moite et oppressant à partir duquel s’élevait fièrement le logis ducal. Précipitant d’une petite heure l’éclaircie nocturne promise, il dispersa les nues d’un revers de la main. Alors que le ciel se parait d’un magnifique voile de basalte bleuté, infiniment serti d’étoiles, les rues de Shokyl se muèrent en un vaste et inquiétant théâtre d’ombres, parmi lesquelles se dessinait l’immense silhouette lupine d’un chaperon divin à casaque zinzolin et cuissardes carmin.

Parvenu, au terme de tortueux détours, au pied d’une fontaine dominée par la figure d’un bellâtre barbu à la troublante ressemblance avec cézigue, le vagabond chamarré s’accorda une nouvelle halte. Extirpant d’une de ses merveilleuses fouilles un brin de paille autant exotique qu’anachronique, il le porta pensivement à sa lippe, tout en carrant l’une de ses augustes fesses sur la margelle humide. S’il avait arrêté de fumer depuis proprement des lustres, il n’en éprouvait pas moins, de temps en temps et comme en ce moment, la furieuse envie de pétuner une pipe. Aussi, se contenta-t-il de chasser son prurit en mâchouillant avec plus d’ardeur son fétu de graminée, tout en se frottant vigoureusement les mains l’une contre l’autre.

« Ne reste donc pas dans l’ombre, mon ami ! », lança-t-il à la cantonade tout en invitant l’intéressé à prendre place à ses côtés sur la margelle détrempée. 

La frêle silhouette d’un humain encagoulé et emmitouflé dans une grande cape de ténèbres se détacha aussitôt des ombres pour venir s’asseoir comme il y était convié.

« Ça fait plaisir de te revoir, assura Valancio en enserrant vigoureusement les épaules du sombre et délicat personnage.

— Plaisir que très modérément partagé ! répondit une voix grave qui détonnait rudement avec le physique passablement fluet censé lui être associé.

— C’est déjà ça ! Pas vrai ? Tu me sembles positivement te porter comme un charme ! J’en déduis que ton business crapuleux est toujours aussi florissant !

— Si ça ne vous fait rien, pourriez-vous, je vous prie, en venir directement aux raisons qui me valent cette si subite convocation ? trancha l’encagoulé mal embouché.

— Je monte une nouvelle équipe !

— Ainsi, ça vous reprend ! L’infortune avec laquelle vous affligeâtes jadis, non sans une cruauté consommée, les membres de la première bande, ne vous suffit donc pas ?

Valancio éluda la question d’un sourire aussi béat que rayonnant.

— Comme tu as eu la joie, l’honneur et le privilège de vivre la précédente épopée, je me suis dit que tu serais naturellement partant pour remettre ça. 

— Pas vraiment non !

— Dois-je te rappeler l’impérieuse et dogmatique lettre de certaines saintes Écritures ? » 

Son interlocuteur se murant dans le silence, la main calleuse de Valancio se fit dramatiquement plus pesante sur l’épaule de son ami.

— Qui ne dit mot consent ! Bien ! Voilà donc une affaire rondement menée. Tu viens ? lança joyeusement Valancio en levant promptement son cul de la margelle. Allons nous occuper de notre petite Edwige ! » 

Résignée et un rien abattue, la créature à la stature si adolescence, fixa pensivement l’ex-dieu des Dieux. Après avoir longuement soupesé le pour et… le pour, il soupira profondément avant de se dresser finalement sur ses maigres jambes.