PROLOGUE
Le roi des Voleurs
Durée de lecture estimée : 5 mn [8 mn à haute voix] – Lisibilité : 32/100
« Tu vois… ma jolie, cracha le mielleux Volkano, tu ferais mieux de confesser fissa tous tes crimes ! Faute de quoi, tu condamnes tous ces gueux à un lent et pénible étripage… sans oublier un dépeçage en règle et quelques friandises apéritives tirées du même horrible tonneau.
— … !
— Puisque tu t’obstines… »
L’officier vit sa chique coupée, en même temps que le reste de son odieuse personne, par un impérieux coup de Katana oblique. Un geyser de sang noirâtre profita du court laps de temps succédant à la brutale section et séparation de corps de Volkano pour exploser en éclaboussant la prisonnière. La terrible lame noire, qui venait de perpétrer nettement, quoiqu’assez salement, cette haute œuvre, se glissa entre les jambes nues de la jolie blonde souillée. Tout en se redressant à la verticale, le kissaki dudit katana remonta violemment avec, dans son sillage, le reste du sabre d’aragalve. Un cri de douleur inhumain ponctua sa charge effrénée. Hylda, à peine chue des cintres, se remit debout tout en retirant sans effort sa lame onirique du bas ventre émasculé du Croc de Vipère dument empalé qui, se tenant derrière Avéla, la retenait jusque-là fermement prisonnière.
« Attention ! »
Prompte comme l’éclair, la brune bretteuse s’effaça devant l’une des deux dagues brandies d’estoc par un Croc de vipère plus rapide que les autres à se porter à la rescousse de son capitaine. Elle riposta d’instinct d’un sévère coup de boule, renforcé pour l’occasion par l’infrangible métal divin de son masque. Le nez, déjà passablement malmené de l’individu, éclata comme une fraise trop mure. Son propriétaire, ainsi cueilli en plein élan, sentit le sol se dérober irrémédiablement sous ses… genoux, la partie inférieure de ses jambes venant de prendre soudainement leur autonomie par la grâce d’un malicieux coup de sabre porté proprement au débotté. Avant que le reste du spadassin ne s’écrasât grotesquement parterre, la brune lui aéra violemment les bronches d’une charitable trachéotomie exécutée à la volée d’un joli fouetté de son éventail affilé. Dès lors, l’assistance effarouchée, quoique libérée, hurla à pleins poumons sa terreur trop longtemps contenue. Les Crocs de Vipère restants achevaient à peine de se mettre en garde après avoir dégainé leurs sinistres talwar-khukuris, sorte d’épée courte de fonction à gouttière suintante dont la lame recourbée à simple tranchant était aussi acérée qu’un rasoir de chirurgien. Sans hésiter, Hylda se porta à la rencontre des nervis du D.U.C. qui, sans autre forme de procès, l’encerclèrent aussitôt. Les Crocs portèrent les premiers coups avec hardiesse, de taille en façade, et, non sans scélératesse, d’estoc dans les reins. La brune virevolta, écartant là une lame empoisonnée d’un cinglant revers de l’éventail, sectionnant ici d’une seule ample coupe diagonale remontante le poignet, le tronc, et l’humérus de l’un avec la tête de l’autre, ponctuant son élégant déplacement létal d’un impérial kesagiri descendant qui vint larder profondément le dos d’un troisième agresseur. Elle enchaina directement par un magistral coup d’estoc qui gratifia sa prochaine victime d’un généreux empan d’acier aragalve entre les deux yeux lui tranchant net, au passage, le tronc cérébral, le fil des pensées et, accessoirement, celui de l’existence. Deux des Crocs de Vipères restants chargèrent vaillamment les reins de la goule tout en hurlant leur rage et leur frustration. Hylda dégagea promptement la lame de son katana du crâne de sa dernière hostie d’un simple pas glissé en arrière. Ce faisant, elle pivota à demi. Le talwar court du premier Croc frôla l’abdomen d’Hylda alors qu’elle frappait d’estoc et à rebours le second assaillant. Exploitant la totalité de son avantage d’allonge, le coup infligé pénétra le diaphragme de sa cible avant que celle-ci ne parvînt elle-même à porter d’attaque. La goule enchaina sans délai d’un large et puissant revers horizontal qui acheva d’éventrer sa victime. Sans transition, la lame fatale poursuivit son chemin de mort jusqu’à rattraper l’autre nervi pour le sectionner littéralement en deux au niveau des reins. À l’issue de son élégante pirouette, Hylda se remit en garde, à demi fléchie, jambe gauche en avant, poids sur la droite en retrait, le sabre transversalement tenu à deux mains à hauteur des yeux, dextre par-devant, et poignets croisés. Les deux derniers Crocs restants et la brune sanguinaire se jaugèrent dans une atmosphère sinistrement alourdie par l’odeur du sang frais et les gémissements des rares agonisants. Sans se concerter, les deux sicaires tournèrent prestement casaque pour se ruer mâlement hors d’atteinte de la funeste tornade sombre, sans doute en quête de quelque renfort. En trois enjambées de haute volée, Hylda se projeta sur leurs talons. D’une frappe d’une précision proprement ahurissante, compte tenu de la précipitation un rien affolée de sa cible et des violentes secousses erratiques animant l’ensemble, l’escrimeuse frappa d’estoc au niveau du côté droit de la nuque exposée du Croc de Vipère. La pointe biseautée de son katana disséqua sèchement, entre autres tissus essentiels, l’une de ses deux carotides. Le nervi gaucher porta la dextre à son cou dans l’espoir futile de juguler le flot carmin qui giclait de manière explosive de la plaie béante avant que le reste de son corps déséquilibré ne s’abatte sur le sol, histoire d’agoniser posément dans un écœurant gargouillis. Hylda sauta lestement par-dessus la dépouille du prédécédé qui encombrait le couloir et accéléra. Le dos sans défense de l’ultime spadassin vipérin tentait de son côté de dépasser des jambes qui jusque-là le supportaient sans rien dire. Un magistral coup oblique descendant asséné à la volée, en pleine course et à vitesse maximale, vint couper court à cette tentative singulière de débordement forcenée. Proprement tranché de l’épaule droite au testicule opposé, le dernier croc de Vipère n’eut guère l’occasion d’exprimer ni son émoi ni sa souffrance avant de se répandre grossièrement sur le plancher douteux de l’entrée de l’ancienne maison de tolérance. Interrompant brusquement sa charge fatale à l’orée de l’huis principale, Hylda tendit l’oreille tout en s’imposant une stricte quoique souple et fort élégante immobilité.
« Vous avez entendu, chef ? tenta timidement de l’extérieur du logis une voix chantante dont la tessiture trahissait l’inexpérience zélée.
— C’est le bruit de mon poing sur ton crâne vide que tu vas entendre, si tu continues à l’ouvrir, gamin ! On s’en tient aux ordres ! Vous vous contentez de boucler le quartier et surtout votre claque-merde ! »
Rassurée par les imprécations du sergent du guet, Hylda essuya son sabre sur l’une des jambes anormalement espacées du dernier gisant, tout en s’éventant furieusement, histoire de chasser quelque peu les immondes miasmes morbides du terrible carnage. Rebroussant chemin le long du sillage sanglant laissé par son épouvantable occision, elle rangea à sa ceinture son éventail replié et rengaina son katana, avant d’en réajuster le saya en bandoulière, d’un savant nouage. Lorsqu’elle retrouva la blonde platine aux yeux bleus et ses autres compagnons d’infortune, ces derniers, tassés dans un recoin de l’ancien salon prodigieusement épargné par le bain de sang, la dévisagèrent avec effroi.
« Vous êtes blessée ! » s’alarma Avéla.
La goule masquée suivit le regard affolé de la blonde. Son propre sang jaillissait de son aine pour inonder copieusement sa cuisse.
« Comment est-ce possible ? » s’écria Hylda avant de s’effondrer sans connaissance.