PROLOGUE
Le roi des Voleurs
Durée de lecture estimée : 3 mn [4 mn à haute voix] – Lisibilité : 34/100
Volkano Bely était une élégante ordure brune au nez galamment busqué et à la dentition affreusement gâtée. À l’instar de ses semblables, l’officier-enquêteur de la grande prévôté de la noble cité de Rocameda jouissait d’un esprit résolument dénué de toute humanité, ainsi que d’un gout immodéré pour la violence et l’arbitraire.
« Nous y voilà ! coassa Volkano à l’intention des inquiétants hommes encapuchonnés de ténèbres qui comme lui appartenaient au corps d’élite des Crocs de Vipère, déployez-vous ! »
Aussitôt, quatre nervis venimeux se détachèrent sans un mot pour contourner l’édifice. L’officier fit signe d’approcher au gros sergent de ville qui commandait le détachement du guet chargé de servir de couverture officielle aux basses et viles opérations de la police secrète du D.U.C.
« Au signal, positionnez vos gugusses de manière à boucler le pâté de maisons. Aucun témoin ne doit pouvoir en réchapper… Enfin, je veux dire que personne n’approche, personne ne fuit ! Pour le reste, nous nous chargeons de la sale besogne… Vu ?
— Oui, m’sieur ! répondit le sous-officier.
— Votre torche ! »
Volkano s’empara du brandon, et, le levant haut au-dessus de sa tête, l’agita lentement à trois reprises en direction du beffroi le plus proche. Le tocsin résonna bientôt, se propageant dans tous les quartiers adjacents de la ville basse, intimant l’ordre impérieux à la populace de rester bien sagement cloîtrée chez elle… Sous peine de mise à mort sommaire. À l’injonction gestuelle de leur meneur, les six Crocs de Vipère, jusque-là tapis dans l’ombre, se projetèrent en colonne d’assaut à l’intérieur de bâtiment, en même temps que leurs quatre collègues de derrière, pour se répartir par paires dans les divers secteurs de vie de l’ancien hôtel de passe. L’officier émit un inquiétant sifflement résolument plus ophidien qu’humain. Aussitôt, des cris assortis de bris de mobilier et de portes retentirent, bientôt rejoints par des hurlements de terreurs et de sourdes protestations indistinctement entrecoupées de coups secs et mâts ponctués de plaintes et d’implorations. Ainsi, les occupants assoupis furent-ils rudement invités à vider prestement leur taule pour dévaler, plus ou moins sur leurs deux pieds, les escaliers vermoulus en direction du grand salon défraichi. Lorsqu’un semblant de calme fut revenu, une vingtaine d’humains terriblement effrayés étaient alignés devant un Volkano froidement impassible flanqué d’une dizaine de sombres silhouettes bardées de cuirs lustrés, de triques barbelées et de lames vicieusement suintantes.
« Parmi vous, se cache… un infâme espion œuvrant lâchement pour le compte de factieux à la solde du vil duché de la Léonie. Je pourrais certes opter pour la solution de facilité en exhortant mes fidèles Crocs à laisser libre cours à leur créative barbarie sur l’ensemble de vos répugnantes personnes. À ce sujet, n’ayez aucun doute quant à leur zèle effréné à faire montre ici de leur virtuose expertise dans l’art raffiné d’infliger d’interminables supplices tous plus outrageux, sordides, douloureux, dégradants et abjects les uns que les autres. Le marché est donc celui-ci : soit vous me livrez ce chien, soit je vous livre à mes fiers Crocs de Vipère… Vu ? »
Machinalement, une bonne partie de l’auditoire proprement terrifiée hocha piteusement la tête.
« Bien… J’écoute ! »
Ceci dit, il passa en revue avec une lenteur exaspérante d’horreur glacée chaque otage, prenant un malin plaisir à dévisager chacun et chacune, sans jamais ciller. Il acheva sa mise en condition par une blonde platine aux yeux d’un bleu profond dont l’allure générale semblait crument jurer avec le décor.
« Toi ! Quel est ton nom ?
— A… Avéla, monsieur ! répondit d’une voix blanche l’interpelée.
— Avéla… Eh bien, Avéla, ta trombine morpholétique ne me revient pas, affirma mielleusement le sombre officier, je crois bien que nous tenons là notre espionne Léonide ! »