PROLOGUE
Smoke on the water
Durée de lecture estimée : 2 mn [4 mn à haute voix] – Lisibilité : 37/100
Les deux voyageurs de la Grande Route de l’Est étaient parvenus à l’intersection fatidique.
« Bon ! C’est ici que nos chemins se séparent… Moi, je prends la sente muletière à droite vers Shokyl. Vous, vous continuez bien confortablement sur la chaussée pavée vers Aliman et par-delà vers… la fortune, la luxure et la gloire ! »
Quand il eut fini son numéro de sémaphore choréique, Valancio considéra son nouvel et imminent ex-acolyte. Ce dernier, par atavisme gérontologique et en dépit de sa récente radicale rénovation, avait toujours un mal fou à suivre le rythme, un rien effréné il est vrai, de son fort elliptique mentor. Le dieu hirsute du Destin contempla son œuvre non sans quelque évidente autosatisfaction. L’ex-moribond grabataire jouissait, désormais, d’une stature et d’une musculature d’athlète mues toutes deux par quelque mâle grâce des plus félines. Afin de doter cette enveloppe charnelle foncièrement rajeunie d’une charmante touche d’exotisme, Valancio l’avait, en sus, pourvu de tout un tas d’attributs particulièrement avantageux, dont : des prunelles d’azur céleste, un sourire enjôleur singulièrement ravageur, une force et une endurance remarquables, le tout assorti d’une virilité d’airain et d’un teint d’ébène soyeux proprement affriolants…
« Je me demande si je ne me suis pas un peu laissé emporté par une certaine forme d’exaltation, se demanda-t-il en son for intérieur avant de poursuivre à mi-voix, il ne faudrait pas que ce mâle chef-d’œuvre finisse par ployer sous le poids de trop nombreux… regards admiratifs.
— Plaît-il ? s’enquit ladite sculpturale beauté exotique qui ne parvenait pas à reprendre une haleine qu’en dépit de ses efforts, il n’était jamais arrivé ne serait-ce qu’à distancer.
— Oh ! Pas grand-chose en fait, mon cher Nassim ! Je me disais juste que l’endroit où je vous envoie regorge en chasseresses émérites qui ont pour fâcheuse coutume, entre autres joyeusetés, de braconner à vue, le beau mâle… Veinard, va ! s’extasia-t-il, hilare. Sinon, vous rappelez-vous toujours les objectifs et attendus de votre mission ?
— Parvenir à convertir à vos idées foncièrement progressistes et libertaires un vieux général résolument enferré dans le plus orthodoxe des conservatismes.
— Par… fait ! Alors, mon petit, il n’y a plus qu’à !
— Certes… mais si je peux me permettre : débusquer un chef de bande, traqué par toutes les armées du D.U.C., qui se terre au cœur de la plus grande forêt primaire du Gardemont… franchement… cela risque de ne pas être de la tarte. Non ?
— Pfff ! Pourquoi ? J’ai, moi-même, personnellement, pris la peine de penser à tout ! Une forêt, dites-vous ? N’est-ce pas, par essence, le terrain de prédilection des druides et des habiles rangers ? Vous disposez de tout le savoir et de toute l’expérience utiles pour suivre à la trace l’armée de la Léonie. Et, là où se trouve une armée, généralement se trouve à sa tête, ou pas loin tout du moins, son général ! répondit doctement Valancio tout en joignant ses deux index. Il ne vous reste plus, dès lors, qu’à rejoindre votre charmante et bucolique zone de recherche et à vous coller promptement à son exploration. C’est à quelques lieues d’ici… Quelques petites centaines tout au plus… à un modeste jet de pierre au-delà de ces collines… qui s’esquissent là-bas dans le lointain… nébuleux…
— Avec vos pouvoirs, ce ne serait pas possible de me rapprocher un peu de l’objectif ?
— Si ! Tout à fait !
— Et ?
— J’ai de tout temps considéré que les voyages forment la jeunesse. Aussi, n’espérez pas que je vous aide à enjamber les difficultés qui ne manqueront sans doute pas de se dresser en travers de votre trajectoire. Il vous reste encore à découvrir, combien le courage, l’opiniâtreté… et le don désintéressé de votre splendide personne sont des qualités nécessaires, quoique non suffisantes à… notre succès ! »