Les balzaths

Démonidés passablement inférieurs, d’allure vaguement humanoïde. Les balzaths se rencontrent généralement dans le nord du Gardemont. Ils se divisent «sémantiquement» en cinq clans caractérisés par la couleur de leur crinière qui leur recouvre généralement toute l’échine .

Le clan des crinières noires, le plus fameux et glorieux selon la tradition balzath a été proprement décimé, il y a des lustres, par une épidémie anthroponotique foudroyante. 

Les balzaths à crinière brune : les plus nombreux. Espèce par essence et pour son plus grand malheur vindicative, guerrière et troglodyte. Nyctalopes assez peu distingués, prompts à s’enflammer à la moindre perspective de razzia barbare, ils n’ont, hélas, guère les moyens de leur politique, d’autant qu’ils jouissent d’un instinct de conservation particulièrement affuté, que certains fanatiques ont une tendance chagrine à contrarier de la plus violente et funeste des manières.

Les balzaths à crinière rouge : ces brasseurs géniaux furent contraints à l’exil, et, par la même occasion, de diversifier leur activité. Aussi, c’est à regret qu’ils durent se convertir, non sans succès, toutefois, à la viticulture afin de pouvoir troquer leur nectar vinicole, très abusivement taxé de bibine, contre les céréales nécessaires au brassage de la Gurfige, la bière fameuse dont ils raffolent. Certains transfuges distillent même une fort démoniaque «eau-de-vie» de marc, dont nombre d’immortels et de démons se délectent, aux effets atrocement délétères sur les humains normaux.

Le clan des crinières vertes : prospères agriculteurs, ils cultivent un riz remarquable qu’ils exploitent sur les riches rizières en terrasses construites aux flans des coteaux escarpés de hautes vallées d’altitude des Nodins.

Le clan des crinières blanches : Depuis plus de deux siècles, le clan squatte les vestiges perdus de l’antique cité d’Egyre, et tente, depuis lors, avec une réussite variable, «la grande aventure de la civilisation». Egyre accueille tous les quatre ans les folles journées du championnat « annuel » de Krokball.

Extraits & Citations :

Crinières brunes

«… Ce fier archétype de sa race, dont la face écrasée était agrémentée d’un curieux patchwork d’épidermes cramoisis, de boursouflures, de cloques et de pustules, vint obséquieusement s’enquérir de la volonté de son chef. Morsaille ressemblait comme tous ses congénères à un grand brûlé. Il se distinguait, toutefois, en s’appliquant à paraître notablement plus tordu, plus sale et plus nauséabond que la plupart de ses semblables. Son sillage empestait un fumet teigneux et tenace, auquel contribuaient, de manière tout à fait accessoire, les peaux de bêtes qui recouvraient sommairement son corps difforme. En face de lui, Morsubite tranchait violemment avec son homologue. En effet, l’épiderme du chef était, en dehors de sa longue et soyeuse fourrure tergale, quasiment lisse, sa stature, résolument verticale, et son port de tête, effroyablement altier…»

«… Ces frêles créatures, bien qu’issues de l’élite militaire du clan des crinières brunes, n’appartenaient pas à une race coutumière des exaltations héroïques. Les alliances douteuses, le manque de mesure, les impasses politiques, l’aveuglement, les génocides endurés, mais surtout « la plus extrême des prudences » avaient présidé, en guise de sélection, plus ou moins naturelle, à l’évolution génétique de cette espèce… »

«… L’ensemble de la horde s’étirait sur près d’un bon quart de lieue, respectant ainsi à la lettre la doctrine militaire de « l’ordre lâchement profond » qui présidait à l’inorganisation des troupes balzaths en campagne. L’arrière-garde réussissait même l’exploit d’être lâchée par les traînards composés de vieux briscards. Ces derniers sanctifiaient le principe cardinal de la survie en milieu hostile à savoir : ménager la plus grande distance possible entre leurs délicates personnes et les inévitables infortunes du combat. Aussi, abandonnaient-ils bien volontiers à la bleusaille, l’insigne l’honneur de servir de garde à leur chef, aux avant-postes de la colonne, tout en prenant garde, toutefois, de ne pas trop se compromettre en se laissant rejoindre par le peloton logistique. Celui-ci devait surtout son enviable position à l’opiniâtre et prudente sagacité de ses mules croulant sous le poids de trois arbalètes de siège démontées, d’un lance-grappin et de quelques précieux tonneaux de bière… »

Crinières rouges

«… de prendre illico la tangente en direction des doux coteaux où verdoyaient les fameux vignobles de leurs pacifiques cousins du clan des crinières rouges ; tribu d’excellents brasseurs ayant choisi l’exil, loin de leurs chiches terres ancestrales, pour établir une joyeuse, quoique géniale, communauté kolkhozienne, sise sur les contreforts méridionaux, sauvages et reculés, au nord du Château de la Cabal… »

Crinières blanches

«… Elles étaient désormais squattées par la tribu balzath la plus non violente et raffinée de tout Ilrish. En fait, ces crinières blanches constituaient un groupe social subversif de transgressistes pacifistes non genrés dont l’intime nature rêveuse et l’esthétisme foutrement empirique s’exprimaient pleinement dans la pratique exaltée d’un art lyrique d’avant-garde lourdement escorté par les « harmoniques » curieusement euphoniques fruits d’une approche pour le moins singulière de la grosse lyre-harpe à tendances violemment dodécaphoniques. Scrupuleux mélomanes souvent qualifiés d’onéreux par les non-initiés, la plupart d’entre eux étaient de fins lettrés. Certains maîtrisaient même plusieurs langages humains. Les bibliothèques du domaine royal étant tombées intactes entres leurs griffes impeccablement manucurées, les balzaths à crinières blanches n’avaient eu de cesse depuis, de piller leurs savoirs pour les intégrer, à coups de casse-tête au besoin, dans leur culture post-primitive avec un bonheur certes légèrement erratique, mais un enthousiasme jamais démentit. De fait, le calme immuable régnant à Egyre s’avéra globalement profitable à l’élévation technique, scientifique et culturelle de ses curieux habitants. L’artisanat de l’or et du bronze entre autres métaux y atteignait même des sommets de finesse et de raffinement, tout comme l’art lapidaire, ou, plus grossièrement, celui de la sculpture et du burinage, dans le style le plus horrifiquement abstrait ou le plus démoniaquement figuratif, sous la forme d’étranges totems et de monumentales têtes ciselées à même les divers blocs de rochers qui, une fois détachés des montagnes alentours, venaient immanquablement orner les moindres recoins de la cité blanche… »

«… Apparut bientôt, une élégante jeune bombasse balzath en toge éclatante, au teint de pêche blanche, à la stature impeccablement droite et dont la crinière était savamment tressée.

— Mon nom est Kéru, fille d’Olsikor le quatrième, je vous prie, Majesté, de bien vouloir me suivre ! » dit-elle sur un ton subtilement cristallin, tout en exécutant un demi-tour plein d’une grâce folle et d’un dédain tout aussi étourdissant… »

Les larmes de l’amiral

«… — “ Les larmes de l’Amiral ” ? C’est quoi, ce truc ? demanda Avéla.

— Une sorte de cordial pas des plus cordiaux ! Un méchant tord-boyau distillé par une tribu dissidente de balzaths à crinière rouge… De vrais fous furieux, ces loustics ! À tel point que leurs pacifiques congénères, par ailleurs vignerons émérites quoiqu’un rien frustrés, les considèrent même comme, je cite : “ de foutus gogols dégénérés dangereusement hétérodoxes et foutrement schismatiques ”… C’est dire ! En fait, “ leur produit ” tient bien plus du solvant drastique aux propriétés inexorablement psychotropes et radicalement défoliantes que de l’ineffable nectar… À l’inconscient qui se risquerait à en absorber une dose un tantinet efficace, cette métatoxine est réputée offrir une sorte de prodigieux don de double vue, assez tragiquement fugace, toutefois… Et le plus souvent accompagné de toute une flopée d’effets secondaires assez méchamment aléatoires, tous plus rigolos ou fâcheux les uns que les autres, dont une chiée de syndromes psychiques et somatiques en tous genres, irradiant fièrement sur un spectre allant du relativement bénin à l’excessivement sérieux, à l’instar de la toujours spectaculaire double énucléation spontanée ou des irrépressibles crises de flatulences en salves capables à tout instant de dégénérer en une forme particulièrement explosive de météorisation, ou, enfin, comme la très cocasse, choréique, éprouvante, irrémédiable et non moins funeste éradication anarchique de l’intégralité du système nerveux du sujet…»

Krokball – Attrape Jette

«… Traditionnellement, tous les quatre ans, « l’Attrape Jette » ouvrait la période des jeux de Krokball. L’épreuve couronnait le « Fabuleux Grand Champion », distinction sans doute la plus prestigieuse, et, à de multiples titres, la plus courue, de ce côté-ci des Nodins. Ledit champion, une fois distingué, présidait pour quatre années, le championnat annuel de Krokball, et ce, tant de manières anthumes que posthumes. Bien qu’atrocement complexes, les règles de « l’Attrape Jette » revenaient, assez sommairement, à déclarer vainqueur, le premier balzath assez fou pour se jeter de son plein gré du haut de la falaise à la poursuite éperdue de la « Tome », et qui, à un moment ou un autre de sa folle dégringolade, parvenait, de gré ou de force, à l’attraper, ne serait-ce que furtivement, et même si l’exploit venait fortuitement à lui couter la vie. La « Tome » consistait en une tome de ganache des alpages périlleusement affinée, au moins quatre ans, le temps pour l’instable frometon au très pernicieux fumet de parvenir à crouter de manière radicalement hermétique. D’un diamètre d’une coudée pour une masse stupéfiante de trois bonnes pierres, « la Tome » était invariablement « offerte » au roi des crinières blanches par les Bohèmes. Le projectile foncièrement impétueux et brisant était placé sous la garde vigilante du « Fabuleux Grand Champion » sortant ou, plus couramment, de son « exécuteur testamentaire »… »