Banur

non-H du Réel, vieil ami de Valancio, alias Banur « L’ancien ». Grand admirateur de Sarte auquel il a pillé sans scrupule son ersatz d’humanité en commençant par sa carcasse et son prénom, il se plait à résider sur Everest, suite « Eglantine » du Ritz de Paris où il est connu sous l’identité de Jean-Paul Banur. Il assure l’intérim du dieu des Dieux en attendant de le remplacer sur le trône céleste.
Extraits & Citations :
Suite « Eglantine », un sinistre bonhomme en costume pied-de-poule d’un jaune passablement douteux, jetait un regard strabique sévèrement divergent sur la place Vendôme située en contrebas. À l’instar de ce funeste personnage, la suite impériale du Ritz avait déjà connu un nombre assez désespérant d’habitués atrocement embarrassants. Sans doute fallait-il, pour apprécier pleinement le lieu, avoir un goût aussi prononcé que feu le Reichmarschall Hermann Goëring pour le faste clinquant, un rien suranné, sans oublier, bien sûr, la chasse, les mâles travestissements et les délices de la pipe. Tout en mâchouillant pensivement la lentille de la bouffarde dont la tige était implacablement soumise à l’empire de son index, Banur contemplait les pavés luisants sous la pluie et l’éclairage prodigue de la place qui illuminait en son centre la pile d’airain de Napoléon. Le mémorial dressé jadis par le génial tyran vainqueur d’Austerlitz, invitait le lugubre Non-H à ériger semblable monument, avec, pour le coup, les âmes putrides de ses innombrables ennemis.
« Ce soi-disant conseil des Dieux n’est qu’un stratagème grossier qui n’a, de toute évidence, aucune autre raison d’être que de me confiner dans une bulle d’extra-velurs, trancha l’entité funeste qui piratait impunément la carcasse et la volonté primaire de Jean-Paul Sartre, rare humain auquel il accordait un semblant d’admiration, tout en en réprouvant l’excessive sagacité. Reste à savoir, ce qu’on cherche à me cacher, poursuivit-il sur le même ton, mornement métallique. Quant à l’identité de ce “ on ”, pas besoin d’être aussi grand clair que je le suis pour deviner celui qui, derrière ce grotesque enfumage, tire les ficelles. »
«— Hum… Avant tout, respecter la forme, et, subsidiairement, les droits de la défense… Il est tout à fait inconcevable que nous puissions, de quelque manière que se fût, soit ou sera, contrevenir aux saints édits du Dogme. Ces mêmes décrets qui assurent, toujours pour l’heure, tant de privilèges à mon si cher “ ami ”… À commencer par celui de voyager, où et quand bon lui semble, dans l’ensemble de l’Univers, sans craindre qu’un fou fanatique, entre autres idiots cosmiques, ne se pique d’attenter à son existence oiseuse. »
« Pourquoi Valancio cherche-t-il à faire perdurer le monde tel qu’il est ? Toute création n’est pourtant qu’une bien éphémère perfection, une illusion de complétude appelant à un perpétuel recommencement… »
« … il faut nous rendre à l’évidence ! Tous ne partagent pas notre point de vue. Pire ! À mesure que le temps passe grandit le nombre de ceux qui se permettent de croire à l’avènement d’un monde soi-disant meilleur, grossissant d’autant la liste de ceux qui conspirent contre nous. Il est donc de notre devoir de les débusquer. Une fois prouvée leur trahison, nous serons en mesure de châtier impitoyablement avec la plus grande rigueur ces blasphémateurs parjures au Dogme, hérétiques odieux, laps et relaps. »
« Pour le coup, l’ombre d’une silhouette des plus sinistres, vultureusement plantée à l’entrée de la cavité, s’en trouvait démesurément étiré. Une démesure somme toute assez fâcheusement assortie à la pompe, à la perfidie et à l’inhumanité de la créature humanoïde lui tant associée. Cet éminent fléau engoncé dans son sempiternel costume trois pièces au motif pied-de-poule d’un beige singulièrement pisseux, fixait les cieux tout en se délectant de la flamboyante agonie d’une de ces glaciales géodésiques qui, vélocement et avant de se sublimer en un vague et diffus souvenir, fendaient la voûte céleste « outrenoir » auréolant ces mornes limbes de ses ultimes feux. Outre l’extrême monotonie du paysage, Banur appréciait tout particulièrement l’ambiance macabre qui nimbait ce sinistre terminus des prétentions. Faisant mine de humer l’empyrée des expirés, le Non-H se laissa gagner par la sérénité lugubre des lieux. Sa méditation fut brusquement interrompue par l’émergence soudaine d’une trajectoire qui, à rebours de ses consœurs, et contre toute logique, venait de s’échapper de l’inexorable attraction de la singularité multidimensionnelle terminale formée par le fameux « puits des âmes ». Aussitôt, l’implacable volonté de Banur s’attacha à analyser méthodiquement l’ensemble des caractères du bolide contrariant. Cet examen, aussi minutieux qu’exhaustif, ne lui prit guère plus d’une infime fraction de son attention, le temps d’une ridicule parcelle d’un battement de son cœur postiche. Ceci fait, l’amas gélatineux dépourvu de synapse qui lui tenait lieu de cervelle, se retrouva passablement excité du fait du jaillissement d’une très excentrique, et non moins fort rassurante, impulsion non baryonique venant lui confirmer l’absence absolue de tout danger.»
« Rien à déclarer pour votre défense ? s’enquit glacialement le Non-H, tout en posant pesamment sa serre homicide sur l’épaule nue de la déesse […] une confession, un aveu, une ultime parole ? rajouta-t-il d’une voix, soudain terriblement éraillée, aussi atrocement métallique que sinistrement dissonante »
« — Voilà qui est tout à fait inattendu… dans le secret de votre esprit, en vous, je trouverais donc matière à vous acquitter, à vous absoudre ou… à vous dissoudre irrémédiablement dans l’oubli. »
« Les odieux tentacules spirituels du monstrueux Non-H violèrent littéralement l’esprit de la déesse, éclairant crument de la lumière obscène de son immonde volonté jusqu’au moindre de ses souvenirs, jusqu’au plus fou de ses espoirs, jusqu’au plus vil de ses dégouts, jusqu’au plus intime de ses secrets. Ce faisant, le Non-H perdait peu à peu de sa mâle contenance ; sa grotesque carcasse virant à un éclat métallique terne et mat ; sa serre meurtrissant âprement la chair délicate d’une déesse Grise remarquablement impassible. »
« Déesse tutélaire ou Non-H, nous sommes bien, et, avant tout, de fidèles serviteurs du Dogme ; comme frère et sœur, ne vous déplaise, en inhumanité. Quel intérêt, dès lors, aurais-je à vous éradiquer de la création ? … »
« Banur, le visage atrocement barré de son sourire le plus sarcastique, tira une longue bouffée, ranimant pour le coup le fourneau de sa pipe tout en enfumant les limbes d’une nauséabonde nuée bleutée. »